Agenda de L'Ecran Réolais



16 novembre 2007

L'AFCAE tire la sonnette d'alarme...

Patrick Brouiller, président de l'AFCAE (Association Française des Cinémas d'Art et d'Essai) évoque dans son éditorial du "Courrier Art&Essai" (réservé aux exploitants) d'octobre 2007 une nouvelle bataille du combat qui fait illégitimement rage entre la grande exploitation (multiplexes) et les salles moyennes et Art&Essai. Dans une volonté d'ouvrir le débat aux spectateurs et partager cette information importante (en espérant que M. Brouiller ne nous en voudra pas !) voici ce texte dans son intégralité :

"C'est une évidence : les salles indépendantes traversent actuellement de sérieuses zones de turbulences, car elles sont l'objet de violentes attaques d'un circuit de la grande exploitation, dont le seul but est de légitimer certaines pratiques économiques et financières.

Le scénario est clair. Premier temps, les agréments sur les nouvelles cartes UGC illimitées accordées fin juillet ont permis à leur promoteur à la fois d'étendre leur champ, d'augmenter le prix de la carte sans réévaluation du prix moyen rétrocédé aux ayants droits*, et en plus de modifier le paysage du marché parisien ! Deuxième temps, les réactions commerciales ne se font pas attendre chez les principaux concurrents ; les publicités vantant l'attractivité de telle ou telle formule illimitée occupent ainsi les pleines pages des quotidiens nationaux et régionaux ou les bâches des façades de cinémas, normalement réservées aux films.

Cette démarche va de pair avec une opiniâtreté sans précédent pour éradiquer la moindre concurrence : procès d'intention à l'encontre des salles "subventionnées"** qui pratiquerait une concurrence déloyale en n'exposant pas les films de la même manière qu'un circuit et en ne pratiquant pas les mêmes tarifs, recours en justice intentés par UGC, remettant en cause les subventions sélectives** pour travaux de rénovation ou d'extension de deux projets Art & Essai. Certains des cinémas visés, délaissés pourtant il y a quelques années par les circuits car jugés non rentables, représenteraient brusquement un danger ! La logique de ces invocations du respect de la concurrence, si elle n'est pas neuve, s'affiche aujourd'hui clairement et violemment : elle consiste à ne laisser aux salles dites "subventionnées" que les films déjà exploités auparavant dans un circuit, ou les films d'une très grande fragilité économique. Et les pressions qu'exercent certains pour rendre difficile aux salles Art & Essai, voire impossible, l'accès aux films, deviennent des pratiques courantes, particulièrement violentes dans certaines villes.

Les salles indépendantes parviennent encore cependant, par un travail d'orfèvre volontaire et passionné, à afficher des résultats tout à fait honorables, mais pour combien de temps ?

Or l'ensemble de la filière cinématographique souhaite éviter de se retrouver en face de deux ou trois circuits en situation d'oligopole. Car pour l'aménagement culturel du territoire comme pour la défense de la création dans sa diversité, il est essentiel de préserver de la seule logique des groupes ce formidable tissu de lieux si différents, si vivants, et parfois si fragiles ; ces lieux qui sont la preuve de la pertinence et de la constance de la politique culturelle menée par les pouvoirs publics pendant des décennies. Tous s'accordent sur son intérêt vital pour la diversité des publics et de la création. Cette diversité, prônée par tous, doit rester le fer de lance de la spécifité française.

Notre mouvement demande aux pouvoirs publics des signes forts et lisibles de cette volonté de maintenir la diversité et l'indépendance. L'AFCAE sera extrêmement vigilante pour que cela se traduise par des mesures concrètes à l'encontre des pratiques professionnelles de certains."

(*) en temps normal, les bénéfices de la vente d'un billet de cinéma se répartissent comme suit : 50% pour le distributeur, 20% de charges et de taxes, 30% pour l'exploitant. Lorsque ce tarif n'est pas fixe, par exemple par l'utilisation d'un carte illimitée, un sérieux problème de rétribution se pose.
(**) le CNC accorde chaque année une prime aux salles à programmation Art&Essai (qui sert généralement à combler la perte engendrée par l'exploitation de ces films économiquement instables) : une récompense pour la prise de risque en gros - d'autre part la TSA (Taxe Spéciale Additionnelle) prélevée sur les ventes de billets de cinémas, DVD, etc. alimente une sorte de "pot commun de l'audiovisuel" qui peut servir à "subventionner" des travaux d'aménagement de salles, d'achat de matériel, etc.